Interview « Le Matin » – Mika : « En français, je parle d’amour ou de sexe avec plus de poésie »

Le chanteur natif du Liban sort son premier album dans la langue de Molière et viendra le présenter à l’Arena de Genève le 28 mars.

«Ce disque m’a tellement plu niveau production et création. C’est un nouveau terrain de jeu», nous confie d’emblée Mika au téléphone. La raison? «Pour que ta tête fleurisse toujours» est le premier album de l’artiste né à Beyrouth uniquement en français. Un projet qui a commencé suite au décès de sa mère, en 2021. Celle-ci souffrait d’un cancer du cerveau.

Avant de partir, elle l’a poussé une nouvelle fois à se surpasser dans son art. Un challenge qui a abouti sur douze chansons dans la langue de Molière et lui a permis d’être encore plus transparent et en accord avec ses émotions.

Mika s’apprête à partir dans une grande tournée internationale pour présenter ses titres et on peut le retrouver chaque samedi, sur TF1, en tant que coach de «The Voice». À 40 ans, il ne semble toujours pas connaître la définition du mot «relax»! Interview.

«Pour que ta tête fleurisse toujours» est une drôle de phrase…

(Rires.) C’est une dernière provocation de ma mère avant qu’elle ne disparaisse. On a tous les deux collaboré depuis toujours. Elle m’a formé jusqu’à quelques mois avant sa mort. Comme elle ne pouvait pas sortir pour m’acheter un cadeau d’anniversaire, elle l’a fait elle-même. Elle m’a dessiné un petit croquis avec le message: «Que ta tête fleurisse toujours.» Par ce biais, elle me disait: «Mon cerveau s’éteint, j’espère que le tien continuera à fleurir.» Elle m’a toujours poussé à travailler ma créativité. C’était une belle manière de répondre à la mort, sans devenir une triste victime.

Il s’agit de votre premier album entièrement dans la langue de Molière. Votre créativité s’est-elle exprimée en français comme vous le souhaitiez?

Je voulais prendre un risque avant de sortir un nouvel album en anglais. Dans ma tête, ce n’est pas un disque de variété. J’ai voulu faire un projet pop en français tout en gardant ma culture angle-saxonne. J’ai utilisé une autre partie de mon cerveau qui m’a permis d’être encore plus créatif.

Dans le titre «30 secondes» vous parlez de ce court instant où une vie peut changer. Cela est-il réellement arrivé?

L’idée de cette chanson m’est venue dans un bar à Los Angeles. J’étais avec ma copine Skyler Stronestreet, qui a notamment écrit pour Lady Gaga et Kesha. On regardait autour de nous en se demandant: «Si nous avions trente secondes, de qui tomberions-nous amoureux?» C’est un petit jeu que l’on fait à chaque fois qu’on va boire des bières. On l’a appelé «Les amours imaginaires». Essayez, c’est drôle!

Si vous aviez trente secondes avec n’importe qui maintenant, ce serait avec qui et pour lui dire quoi?

(Il réfléchit longtemps.) Avez-vous vu «Maestro» sur Netflix? Le film a de grandes qualités, mais il ne m’a pas fait rêver. Il parle de Leonard Bernstein. C’est un compositeur d’une puissance incroyable. Si je pouvais, je lui demanderais d’où viennent ses mélodies qui, à mon avis, font partie des meilleures mélodies pop de notre histoire. Pourquoi ses chansons avaient besoin d’exister dans un monde comme le nôtre?

Dans cet album, votre côté coquin, voire sexuel, revient à plusieurs reprises. Pourquoi?

En français, je peux dire plus de choses. Comme ce n’est pas ma langue maternelle, je me sens un peu protégé. Je peux parler de sexe, d’amour ou de ce côté charnel avec beaucoup plus de poésie et d’élégance qu’en anglais. Par exemple, lorsque je chante «Une bulle, on baise» (ndlr.: la chanson «Apocalypse Calypso») en français, c’est beau.

Vous vous ouvrez aussi plus facilement sur votre vie privée. Vous nommez même votre compagnon depuis vingt ans, Andy, dans l’un des titres.

Exact. Dans «Moi, Andy et Paris», je parle des tensions dans un couple qui dure. Il ne parle pas français, il le comprend juste un peu. J’aimais bien l’idée de me confier de manière candide.

Vous serez à l’Arena de Genève le 28 mars prochain avec une tournée internationale dans laquelle vous vous investissez comme jamais.

Exactement. Je la produis complètement. C’est la première fois que mes ateliers réalisent le côté création. C’est génial, mais c’est beaucoup de travail. Tout sera artisanal et la charge poétique sera encore plus forte.

On vous retrouve aussi sur TF1 en tant que coach pour «The Voice». Pourquoi avoir quitté le télé-crochet pour finalement revenir cette saison?

J’avais besoin de faire un break. La télévision, il faut en faire avec beaucoup de candeur et de manière naturelle. Dès que l’on commence à penser aux caméras et que l’on ne s’amuse plus, il faut partir. C’est ce que j’ai fait. Et j’aime bien mélanger des projets avec un public populaire ou parfois pointu.

C’est pour cela que vous avez accepté de présenter l’Eurovision en Italie en 2022?

Oui, car c’était improbable. C’est une fête qui était toujours pour les freaks ou les outsiders, mais un public énorme la regarde. On disait que, depuis ABBA et Céline Dion, peu d’artistes avaient réussi à lancer une carrière en participant à ce concours. Ce n’est plus vrai. Des tubes planétaires explosent grâce à cet événement avec des artistes souvent pointus. C’est l’exemple parfait que high culture et pop culture peuvent coexister.

Source : Le Matin