Mika en interview : La Presse – « Mika, chanteur de cœur »

Deux ans après les dates prévues, Mika montera enfin cette semaine sur les scènes de Montréal, Québec et Saguenay. On lui a parlé au moment où il se trouvait en Californie, où il a donné quelques spectacles la semaine dernière, dont un au festival Coachella. Discussion charmante avec un chanteur de cœur.

Le spectacle, qui devait être présenté au Québec en mai 2020, avait été reporté à cause de la pandémie au début d’avril 2022. Mais ces représentations ont été déplacées parce que vous avez eu la COVID-19. Avez-vous eu peur de ne jamais revenir chanter au Québec ?

Non ! Mais la vieille superstitieuse que je suis n’était pas étonnée. Je me disais, jamais deux sans trois ! Mais la troisième fois, quand on y arrivera, ça va être canon. Et je le confirme, ce l’est. À Coachella la semaine dernière, c’était un carton ! C’était énorme pour moi, un test, un défi. C’était le premier festival, on a commencé avec le plus dur, mais quand les gens m’ont vu sur les réseaux sociaux à Coachella, à New York, ça les a rassurés. Maintenant les ventes reprennent, ils savent que j’ai un travail à faire et que je vais le faire.

Après deux ans de pandémie, sentez-vous que les gens sont frileux de retourner voir des spectacles ?

Ils sont frileux de planifier en avance, mais dans le moment, je ne peux pas vous dire à quel point la température humaine est hallucinante. Il faut voir le public de Coachella, c’est dingue, ils sont en train de perdre leur tête ! La première fois que je suis remonté sur scène à New York, quand j’ai vu ça, j’avais les larmes aux yeux. Je me suis dit : « Oh wow ! En fait, on en avait besoin. »

Est-ce que ce sera le même spectacle que vous deviez présenter il y a deux ans ?

Pas du tout. Il est complètement redessiné, et fait sur mesure pour le Canada. C’est un show où la lumière et les couleurs sont extrêmement chorégraphiées avec la musique. Et l’émotion. Donc c’est un show qui provoque l’émotion du public, et ça fait danser. C’est très collaboratif.

La dernière fois que vous êtes monté sur une scène à Montréal, c’était en 2019 au Corona. Cette fois, vous serez au Centre Bell. L’énergie est-elle la même dans une petite salle ou un aréna ?

Bien sûr. Moi j’ai une responsabilité, c’est de faire oublier complètement le lieu ! Décontextualiser, dépayser. Je veux que vous sentiez que c’est juste toi et moi, ou juste toi, ton pote et moi. Et quand on peut baisser les défenses comme ça, c’est presque de la magie.

Cette semaine vous allez chanter au Centre Bell à Montréal, au Centre Vidéotron à Québec et au Théâtre du Palais municipal de La Baie. Vous n’avez jamais rejoint autant de spectateurs au Québec en si peu de temps !

Non, et je réalise aussi ma chance. C’est symbolique du rapport que nous avons, de la franchise entre moi et le public québécois. Il n’y a pas de bullshit. Je sens que c’est un privilège de faire ces shows. Pour dire la vérité, faire un show de lumières pour vous, économiquement ça n’a pas trop de sens. Mais je m’en fiche complètement !

Votre précédent album, My Name Is Michael Holbrook, remonte à 2019. Vous écrivez de nouvelles chansons ?

Il y a un an, après être venu ici pour Star Académie, j’ai recommencé à écrire… et là j’ai du matériel pour trois albums ! Alors que je n’avais pas écrit depuis deux ans.

Qu’est-ce qui fait que ça a débloqué ?

Vraiment, j’ai regardé autour de moi et je me suis dit merde, avec le monde de la musique qui change, si on n’assume pas nos différences encore plus, et si le monde que je peux créer ne s’élargit pas… Pas en copiant les sons des autres, mais en réclamant la mélodie, la couleur, en réclamant ma propre irrévérence sans avoir peur des conséquences. Je me suis dit : « J’ai 38 ans, et j’y vais, et je sors tout ce que j’ai en moi. Avec une rage délirante, comme si c’était une drogue euphorique. Mais utiliser la musique au lieu de la drogue ! »

L’association entre le mot rage et vous est surprenante…

Je pense qu’on n’utilise pas assez bien le mot rage. Quand on est vraiment amoureux, il y a une sorte de rage, non ? Quand cette vague vient, il faut aller dessus. Je ne dis pas ça pour être mignon, mais peut-être que cette quarantaine que j’ai faite tout seul dans la campagne québécoise pendant deux semaines l’an dernier… c’était la première fois de ma vie que j’étais seul, et c’était juste après la mort de ma mère, mais bizarrement, je pense que ça m’a aidé à redémarrer, et éteindre le bruit. Un reset.

Parlez-moi un peu de l’Eurovision, que vous allez coanimer très bientôt, et qui sera présenté par la télévision publique italienne.

C’est tellement énorme ! Et personne en Amérique du Nord ne sait que ça existe, sauf les Québécois, parce que Céline s’est présentée là-bas. C’est regardé par 200 millions de personne autour du monde, c’est le plus grand show de la planète, et l’Amérique du Nord s’en fiche complètement. Je trouve ça drôle !

Vous êtes un artiste européen dans le fond…

en train d’animer l’Eurovision en trois langues. Et je suis un mec avec un passeport américain.

Vous êtes vraiment un citoyen du monde !

Non, non, non… Je suis un citoyen d’absolument nulle part ! Je suis un citoyen de ce que je fais, de ce que je crée. Mais ce qui est intéressant avec l’Eurovision, c’est l’idée de l’universalité, qui va au-delà du passeport. Le concept européen, il est large et généreux, depuis cet universalisme dont parlait Victor Hugo. Je suis en train de parler de tout ça, ça peut paraître ridicule parce que c’est une émission de variétés, mais pas quand on est en train de parler à 200 millions de personnes, dans un moment où il y a la guerre en Europe et presque 10 millions de personnes qui sont déplacées à cause de cette guerre. Quand on regarde les moments les plus dark de l’histoire de l’Europe, c’est toujours quand cette lumière européenne d’un pays à l’autre n’a pas réussi à percer, parce que les murs étaient très hauts et que tout était divisé.

Qu’est-ce qu’on vous souhaite pour les concerts de la semaine prochaine ?

De l’émotion, de la joie. De se retrouver, c’est beau.

Source : La Presse