Interview « La Voix du Nord » – Mika : «Là, j’ai lâché prise, et c’est l’élément fondamental de la pop»

Mika sortira le 1er décembre son sixième album, « Que ta tête fleurisse toujours ». Un opus pop, en français, où l’artiste se livre davantage, et invite à s’émerveiller, à garder la candeur pour que la magie opère.

Entretien à quelques jours de la sortie de ce sixième album.

– Pourquoi avoir écrit cet album en français ?

« La France et le français ont été très importants dans une première partie de ma vie : j’ai grandi à Paris de 2 à 7 ans. Puis, ces dernières années, c’est quelque chose qui a pris de plus en plus de place, non seulement dans les musiques que j’écoute, les amitiés, les musiciens, les artistes… J’avais ce désir d’aller sur un terrain inconnu depuis plusieurs années, j’avais écrit une ou deux chansons en français. Je ne voulais pas demander des textes, ce n’est d’ailleurs pas dans la culture pop anglo-saxonne. J’avais peur, je ne savais pas comment le faire. Finalement, je me suis lancé sans trop réfléchir. Je ne pense pas en français, mais en anglais, mais c’est devenu un énorme avantage : je me senti comme dans une sorte de refuge où j’ai pu écrire avec beaucoup de franchise, de manière très décomplexée, avec transparence… On trouve des mélodies tellement pop qui sont au service du message, de l’émotion, et ça m’a fait du bien… »

– En quoi cet album vous « a débloqué », comme vous l’avez confié ?

« La pop a une philosophie, sert à quelque chose. On peut parler de choses graves et sérieuses avec la pop qui sont très difficiles dans la vraie vie. La pop, ça me garde connecté au monde, avec cet enthousiasme et cette énergie de l’adolescence. Même avec l’âge, je garde de la légèreté pour que cela puisse s’envoler : le cœur, la tête, les envies… Quand j’ai commencé à chanter, à 8 ans, c’était comme si j’avais accès à une autre vie en parallèle qui me permettait de m’exprimer d’une autre manière. J’ai la possibilité de toujours être émerveillé. C’est très important pour continuer à écrire. Quand on ne l’est pas, on ne laisse pas la place à la possibilité que quelque chose de magique puisse se passer. C’est drôle car je suis très réaliste en même temps, mais quand je suis sur scène, tout est possible. Je peux avoir la plus mauvaise journée de ma vie mais sur scène, je peux transformer ça, et c’est un privilège. Le message est de garder cette candeur et cette connexion avec la vie autour de nous, peu importe le métier qu’on exerce. Si l’on se ferme, ça devient très dangereux. »

– La pop est devenue votre signature…

« Au début, avec mon premier album je ne pensais pas aux catégories, au style mais après avec les carrières, les opinions, le risque est de prendre trop conscience de ce que l’on fait. Le dernier album était plus triste. Là, j’ai lâché prise, et c’est l’ingrédient fondamental de la pop. On l’entend dans Bowie, Abba, dans le meilleur de Madonna. »

– Vous invitez le public à danser, mais qu’est-ce qui vous fait danser ?

« Lundi, j’étais au concert de Madonna et sur Vogue, j’ai hurlé, chanté et dansé comme un fou. Sinon le rock, l’électro, la musique classique (Berlioz…) surtout quand je suis seul. J’ai moins peur d’être photographié nu que d’être filmé quand je danse tout seul dans mon salon. »

– Votre dernier album remonte à 2019…

« Oui, il y a eu le Covid, et je ne voulais pas écrire pendant cette période. J’étais ravi de ne rien faire pendant plusieurs mois, je suis resté à la maison, je ne voulais pas écrire là-dessus. Et ensuite, j’ai eu envie de retrouver l’énergie de la scène. C’était mieux d’attendre. »

– Après Grace Kelly, vous rendez hommage à Jane Birkin…

« J’ai écrit la chanson près d’un an avant sa disparition. C’est une chanson qui prend une facette d’elle. Il y a beaucoup de joie, c’est une fausse nostalgie et maintenant qu’elle est décédée, je ne veux pas que les gens pensent que j’ai écrit une chanson nostalgique. Dans le studio où elle avait enregistré avec Gainsbourg, j’ai dit à l’équipe qu’il y a eu, ici, des sacrées chansons d’amour enregistrées. Je rêve d’avoir un amour à la Gainsbourg, à la Birkin… et on commence à jouer un truc. C’était une femme aussi osée que Madonna dans les années 80, et en même temps avec une poésie et une élégance stupéfiantes, à la fois une artiste contemporaine, pop, et accessible. »

– Dans « Doucement » vous appelez à prendre le temps, vous aimeriez ralentir le rythme ?

« J’aimerais bien prendre un sac à dos, aller au Mexique, en Inde, et après, ne pas savoir où je vais aller, et y aller. Je ne le fais pas car je me mets la pression. Je suis toujours dans l’urgence de continuer pour que la roue artistique ne s’arrête pas. C’est peut-être parce que j’ai commencé si jeune, à 8 ans. »

– Vous parlez aussi dans cet opus beaucoup d’amour, c’est ce qui vous porte ?

« Oui. Ce concept de l’amour est très puissant. On cherche, sur scène, à provoquer ces mêmes sensations que l’amour peut provoquer : cette idée de liberté, de potentiel, qu’il y ait une connexion, cette énergie… »

– Dans une de vos chansons, vous dites que vous êtes un passager, où souhaitez-vous aller ?

« Je n’ai aucune idée, c’est pour cela que je chante dans diverses langues. J’aime aussi l’idée que les chanteurs ne doivent pas représenter une seule chose. Je reste de passage pour ne pas perdre ma liberté, et ça, c’est super important. Je ne sais pas où je vais me poser, mais je fais à vous, et à mon public, une seule promesse : là où j’irai, je vous dirai où me trouver ! »

Source : La Voix du Nord