Magazine « ELLE » – Beyrouth, Londres, Paris : Mika nous ouvre son album photo

À l’occasion de la sortie d’un nouvel opus aussi pop que lumineux, le plus dandy des musiciens partage avec nous son album photo, entre Beyrouth, Paris et Londres.

Retrouvez également cet article dans le Magazine « ELLE » n°4065 Hebdomadaire du 16 novembre 2023.

Mika est un garçon délicieux. Délicieux à regarder, délicieux à écouter, délicieux à humer, puisqu’il arrive pour l’interview avec une focaccia tiède au thym, qu’il grignotera tout au long de la conversation. Grand, très grand, 1,92 mètre, le dandy flashy qui, sur scène, a une prédilection pour les paillettes et les costumes chatoyants est aussi un modèle d’élégance : casquette siglée Bates, des Nike Air d’un blanc immaculé qu’il entretient avec du Windex (sorte d’Ajax Vitres), un pull noir à col rond sur un pantalon à pinces en velours gris perle de chez Connolly à Londres.

Une institution fréquentée par les hommes les plus chics de la planète. Son nouvel album, « Que ta tête fleurisse toujours » (Island), promet d’être un carton avec, entre autres, le single « C’est la vie », hymne magnifique dédié à sa mère, dont la mélodie reste en tête dès la première écoute. On se prendra aussi à danser sur « Apocalypse Calypso », à rêver d’« un amour à la Birkin », refrain envoûtant de l’une de ses chansons, pour finir par traverser la capitale au rythme de « Moi, Andy et Paris ». Du Mika pur jus, mélange de pop lumineuse et de spleen oriental, qui nous entraîne loin, très loin, de la morosité ambiante. Le garçon à l’éternelle allure preppy nous a ouvert les portes de son univers.

MES PARENTS, MES SŒURS ET MOI AU TROCADÉRO

« Je suis né à Beyrouth. J’ai 1 an et demi lorsque la famille s’installe à Paris. Mon père, qui travaille dans la finance, gagne très bien sa vie. Nous habitons alors dans le 16e arrondissement, square Lamartine, un grand appartement débordant d’animation. Ma mère, en effet, confectionne tous nos vêtements avec ses amies. Pour elle, entrer dans un magasin de prêt- à-porter n’est pas une option. Je me souviens du bruit des machines à coudre, des grands ciseaux qui coupent les tissus, il y a toujours une femme qui fume à la fenêtre, une autre qui prépare à manger, une troisième qui met de la musique… C’est joyeux et chaleureux. Puis ma maman s’est mise à faire des vêtements pour les autres. Elle les vend ensuite dans des magasins parisiens. Moi, je vais à l’école affublé d’un pantalon à élastique, d’une cape et d’une cagoule. J’ai déjà un petit look bien à moi ! »

AU PIANO, À 15 ANS

« Je compose encore aujourd’hui sur le piano de mon enfance. J’ai 7 ans lorsque mon père est envoyé au Koweït, pour son travail, en pleine guerre d’Irak. Il y est resté prisonnier pendant sept mois. Lorsqu’il est enfin rentré, il a traversé une période très difficile, ses affaires ont périclité. Les huissiers ont fini par emporter tous nos meubles. Sauf le piano. Et pour cause : on le louait. La boîte de location ayant fait faillite, personne ne l’a réclamé. Résultat, c’est la seule chose que nous avons pu emmener avec nous à Londres, où nous nous sommes installés. À cette époque, j’ai eu le malheur de tomber sur une professeure qui m’a harcelé. Avec l’aval de mes parents, j’ai arrêté l’école. Le matin, j’allais au parc et l’après-midi je travaillais ma musique. J’avais une prof de piano écossaise et une prof de chant russe qui m’a formé au chant lyrique. Plus tard, j’ai réintégré le système scolaire tout en travaillant, car je commençais à composer : pour British Airways, pour des émissions de cuisine, pour une pub de chewing-gums… »

MON ATELIER DE CRÉATION

« L’année dernière, j’ai fondé un atelier de création dans un village de Toscane, à trente minutes de Florence. Sur la photo à gauche on voit la zia (la “tante”) Dora, qui est aussi la D.A., en plein essayage. Cela faisait très longtemps que j’avais cette envie en tête. Je perpétue l’héritage de ma mère, dans un pays où l’artisanat et le savoir-faire sont rois. Ma dernière création : le costume miroir que je portais sur scène lors de la finale de la Coupe du monde de rugby. »

LE PORT DE TYR

« Le Liban, c’est une part de mon identité. Le joli port de Tyr, où nous allions en vacances, avec ses lumières qui scintillent, en fait partie. Mais aussi cette façon si typique de poser un regard grave sur le monde, de se poser des questions. Sans oublier les mélodies d’Oum Kalthoum et de Fairuz, l’odeur du café noir et celle du thé blanc, l’arak, la politique, les épices, l’arabe que les tantes parlent entre elles et leurs effluves de laque Elnett. »

MA FAMILLE

« Je travaille avec ma sœur Yasmine depuis vingt- sept ans ! Elle sait donner vie à mon imaginaire. Nous avons été élevés dans une atmosphère de création permanente. »

LA CUISINE

« Je n’aime rien autant que cuisiner ! C’est important pour la tête. D’ailleurs, à la maison, mon bureau est au milieu de la cuisine. Là, c’était lors d’une tournée aux îles Fidji. Nous étions à l’hôtel, et j’avais demandé d’avoir accès à la cuisine. J’ai préparé des boulettes de viande au cumin, sauce tomates- olives, pour toute l’équipe. »

LE DESSIN DE MA MÈRE

« Ma mère est décédée d’un cancer du cerveau en février 2021. À la fin de sa vie, elle avait du mal à communiquer. Elle ne pouvait plus écrire ni lettres ni e-mails, alors mes sœurs lui ont acheté un iPad afin qu’elle puisse communiquer malgré tout. Ce dessin, c’est le dernier message qu’elle m’a envoyé pour mon anniversaire. Et sa manière de me donner une clé pour l’avenir. Comme si elle me disait : “Si tu réussis à donner vie aux idées qui sortent de ta tête, tu seras heureux.” Cela peut sembler naïf, mais c’est en réalité très profond. Ce dessin a donné son titre à mon disque “Que ta tête fleurisse toujours”. La chanson “C’est la vie” lui est dédiée. »

Source : MikaWebsite[.Com!] –  Magazine ELLE